Pfeiffer Georgi : "je préfère la pluie... sauf à Roubaix"
6 avril 2023 - 14:55
Issue d’une famille de cyclistes, née aux abords d’un vélodrome, Pfeiffer Georgi, 22 ans, s’est révélée l’an dernier en terminant 9e de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift. Membre la plus jeune du Top 20, la Britannique confirmait alors ses prédispositions pour les pavés, elle qui avait gagné Gand-Wevelgem chez les juniors. La rouleuse du Team DSM, dont le prénom est une référence à l’actrice Michelle Pfeiffer, vient de passer un nouveau cap en remportant sa première course World Tour, la classique Bruges-La Panne, le 23 mars dernier. À l’approche de l’Enfer du Nord, où elle vise un Top 5, la coureuse originaire du Gloucestershire évoque son rapport avec les flandriennes.
Est-il vrai que vous préférez rouler dans le froid que par temps chaud ?
Je préfère courir sous la pluie … sauf à Paris-Roubaix ! Pour la plupart des autres classiques, je préfère quand il pleut, ça rend les choses plus difficiles et spectaculaires. Quand on grandit au Royaume-Uni, on s’y habitue. Je crois que j’ai toujours été comme ça. Il faut dire que nous n’avons pas le choix là-bas. Comme la plupart des journées sont assez mauvaises, si tu veux rouler, il faut y aller. Mais je vis désormais à Gérone, en Espagne, et viens d’y passer mon premier hiver complet. Le froid du Gloucestershire ne m’a pas manqué.
Vous êtes née à Londres, tout près du vélodrome de Herne Hill, où se sont déroulées les épreuves sur piste des JO 1948.
Oui, mes parents travaillaient à Londres et étaient membres du club cycliste de Herne Hill. C’est comme ça que j’ai commencé à faire du vélo. Ils m’ont emmené au vélodrome et mis sur un vélo ! J’avais 4 ans. On a déménagé un an plus tard à Berkeley (au sud de Gloucester).
Parlez-nous du lien fort que vous entretenez avec les classiques pavées. Chez les juniors, vous avez remporté Gand-Wevelgem, la référence du genre dans cette catégorie d’âge. Et c’est à Fourmies, non loin du départ de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift, que vous avez remporté la première de vos trois victoires professionnelles, en 2021.
Gand-Wevelgem juniors a été ma première expérience sur des pavés. Je ne m’attendais vraiment pas à gagner ! Cela m’a donné envie de rouler davantage sur les pavés et les petites montées explosives. Ce goût s’est renforcé au fil des ans, quand on revenait avec l’équipe nationale britannique. Et quand je suis passée pro avec le Team Sunweb (en 2019), c’était déjà ce type d’épreuves qui m’attirait le plus, même s’il me fallait encore découvrir la coureuse que j’étais.
Cette attirance date-t-elle du jour où vous avez remporté Gand-Wevelgem juniors ou faut-il remonter à plus loin ?
Je pense que ça date d’avant. Toute ma famille était composée de cyclistes. Nous regardions toujours le vélo à la télé et spécialement le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. C’étaient les courses qui m’excitaient le plus. Même si je n’avais jamais roulé sur des pavés, l’amour que je leur porte est antérieur à ma victoire sur Gand-Wevelgem juniors.
Il paraît que votre idole de jeunesse est Lizzie Deignan, qui se trouve être la première lauréate de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift.
Lizzie et Marianne Vos étaient les deux héroïnes de mon enfance. Je me souviens des JO 2012, je disputais alors l’European Cycling Tour à Assen. Vos avait gagné et Lizzie terminé 2e. Je pense qu’avoir eu un rôle modèle britannique était … (elle cherche ses mots). Je ne sais pas comment le dire, mais Lizzie a toujours été quelqu’un que j’ai admiré, j’espérais devenir comme elle. Elle a gagné Paris-Roubaix d’une manière incroyable. Nous avons eu la chance de nous rencontrer aux Mondiaux de Louvain (en 2021). C’était pour moi vraiment spécial car j’ai toujours voulu l’imiter.
Quels souvenirs gardez-vous de la première édition ? Vous aviez terminé 58e, à 12 minutes de Deignan.
Juste de la douleur ! C’était une édition très humide. Il me semble que les premiers pavés étaient secs. Mais ensuite, ce n’était que de la boue. J’ai essuyé des chutes et été constamment en poursuite. C’était de la souffrance, mes jambes faisaient mal. C’était juste une journée très mouvementée.
Finir 9e de l’édition suivante, quelques mois plus tard, a dû vous apparaître comme une grande et belle surprise.
Après ma première expérience, j’ai vraiment douté de ma capacité à pouvoir briller un jour sur cette course tant elle était difficile. Donc oui, ce Top 10 était complètement inattendu ! Ça fait partie des déclics que j’ai eus au printemps dernier. Il m’a donné confiance sur le fait que je pouvais viser Roubaix dans le futur.
Votre carrière a failli s’arrêter brutalement, le jour de votre chute à Brugge-De Panne, en 2020 (deux vertèbres brisées). Trois ans plus tard, le 23 mars dernier, c’est sur cette même course que vous avez remporté votre premier succès World Tour. Cela a dû être un moment très spécial.
Pour moi c’est … C’est tellement bien d’avoir pu remplacer un mauvais souvenir par un beau souvenir, le meilleur même de ma carrière. Cela m’a beaucoup coûté de revenir après cette chute, physiquement mais aussi mentalement, car il a fallu que je reprenne confiance dans un peloton. Je n’avais pas un très bon rapport avec cette course, évidemment. Et avoir pu transformer ça, au point qu’elle m’ait offert mon meilleur souvenir jusqu’à présent, c’est vraiment spécial.
Cela doit vous donner aussi beaucoup de confiance en vue de Roubaix.
Tout à fait. Cela m’en donne beaucoup. Je ne m’attendais pas à obtenir une si grosse victoire aussi vite dans l’année. C’est une nouvelle marche de franchie. Ce n’est que du positif en vue de Roubaix et me rassure sur ma condition actuelle.
Plus globalement, vous réalisez une campagne de classiques très solide (5e à l’Omloomp Het Nieuwsblad, 9e des Strade Bianche, 11e à Gand-Wevelgem et 16e du Tour des Flandres). Vous situez-vous plutôt comme une favorite ou une outsider ?
Je me placerais plutôt chez les outsiders. Je ne suis pas l’une des tops favorites. Mais Roubaix est une course tellement imprévisible… Si la chance est avec moi et que je suis forte, ça pourrait me sourire, à moi ou une de mes coéquipières d’ailleurs.
Que serait pour vous une troisième édition réussie ?
Je n’aime pas trop associer la notion de succès avec un résultat. J’irai avec des intentions et tenterai de donner le meilleur. Si je devais citer un résultat, vu le Top 10 de l’an dernier, je dirais un Top 5 ou un podium. Mais je n’aime pas me focaliser sur le résultat pour les grandes courses. Tu peux facilement être déçue si les choses tournent mal.
PFEIFFER GEORGI EXPRESS
Née à Londres le 27 septembre 2000
Équipes successives :
Team Sunweb (2019-2020), Team DSM (2021-2023)
Principaux résultats
2019 : 8e du championnat d’Europe espoirs
2021 : championne de Grande-Bretagne, 1ère du GP de Fourmies
2022 : vice-championne du monde espoirs, 9e de Paris-Roubaix Femmes avec Zwift
2023 : 1ère de Classic Bruges-La Panne, 5e du Circuit Het Nieuwslad, 9e des Strade Bianche