Victoire Berteau : « Mon cercle de vie, c'est autour de Paris-Roubaix »

31 mars 2023 - 15:13

Absente de la première édition car blessée, Victoire Berteau a découvert Paris-Roubaix avec brio l’an dernier. La locale du parcours, qui a grandi près du secteur de Troisvilles, s’est classée 17e et première Française. Dans le Top 20, seule la Britannique Pfeiffer Georgi (9e) était plus jeune qu’elle. La coureuse de Cofidis, 22 ans, s’avance donc avec un statut à défendre et l’ambition de faire encore mieux le 8 avril prochain. Après un hiver consacré à la piste, la Picarde a repris la compétition sur route à l’occasion de Gand-Wevelgem, le 26 mars. Si elle a dû abandonner suite à une chute et la casse d’un dérailleur, elle s’est rassurée trois jours plus tard en passant à l’offensive lors d’À Travers la Flandre : “Les feux sont au vert pour Roubaix.”

Quel souvenir gardez-vous de votre entrée dans le vélodrome l’an passé ?

C’était le meilleur moment de ma vie ! Il y avait un monde fou. J’arrive dans le Top 20 sur la meilleure course du monde et ma famille m’attendait. Oui, c’était un moment unique.  

Qui était là dans la famille ?

Il y avait ma mère, ma sœur, ma marraine et son mari, mais aussi le président du VC Laon, le club auquel je suis licenciée depuis 2012. Comme je savais qu’ils étaient à Camphin-en-Pévèle, je ne pensais pas les voir au vélodrome. C’est trop rapproché, les voitures ne vont pas aussi vite que les coureurs. Et puis, finalement, j’ai entendu ma mère en entrant dans le vélodrome ! Ils étaient à l’entrée car ils n’avaient pas le droit de rentrer. Je l’entends toujours quand elle est présente sur la course. Elle hurle, je n’entends qu’elle ! Après l’arrivée, je suis tout de suite allée la voir.  

Avez-vous perçu ce qu’elle vous a dit ?

Non, mais elle dit souvent « lève ton cul » ou un truc comme ça ! Parce qu’elle sait que je ne lève jamais mes fesses pour sprinter. Je fais souvent un sprint assis alors qu’un sprinteur, c’est censé se lever. L’avoir vu m’a fait penser : « ah oui, faut pas que j’oublie, sinon je vais en prendre pour 2 mois !»

Et ça vous a aidé ?

Bah, il n’a pas été fameux mon sprint ! Ça m'a motivée encore plus, certes, même si jouer un top 15 sur la plus belle des classiques me motive déjà assez. Mais je ne pouvais pas faire mieux (elle s’est classée 17e dans un groupe de sept qui se disputait la 13e place).  

En tout cas, cela a dû vous toucher.

Oui c’est sûr. Surtout que je suis très proche de ma grande sœur et de ma mère. Ma mère m’a toujours supportée depuis que je suis jeune. Elle m’amenait sur toutes les courses et elle me suit même encore maintenant, régulièrement. Donc le fait qu’elle soit là, qu’elle me supporte et soit fière de moi, ça m’a procuré une émotion encore plus forte.  

Elle était déjà là à Civaux, en 2016, lorsque vous êtes devenue championne de France cadettes.

C’est ça. Quand j’ai été championne du monde de l’américaine en juniors (2018, avec Marie Le Net), ma mère et ma sœur avaient fait aussi le déplacement à Aigle (en Suisse). Elle est là sur tous les grands rendez-vous.  

Première Française à l’arrivée, est-ce une source de fierté ?

Oui, c’est sûr que ça fait toujours plaisir. Mais après, il y a de nombreuses Françaises dans des équipes UCI ou même World Tour qui sont coéquipières et pourraient aussi jouer le Top 20. Mais en patriote que je suis, il est sûr qu’être la première Française me fait toujours plaisir !  

Vous serez d’autant plus attendue le 8 avril.

Oui, ça me rajoute un peu de pression. L’année dernière, c’était ma première fois, je ne savais pas trop à quoi m’attendre, il n’y avait pas de pression médiatique. Là, il y a davantage de médias, on me pose des questions sur le résultat. J’ai fait une reco la semaine dernière et je me sentais super bien sur les pavés. Là-dessus, je n’ai pas d’inquiétude. J’étais super bien aussi sur Gand-Wevelgem, avant ma chute. Je pense que j’aurais pu batailler dans le 1er groupe vu ma condition. Après le Tour des Flandres (le 2 avril), j’en profiterai pour repartir du côté de Roubaix pour quelques dernières reconnaissances.

Vous visiez un Top 20 l’an passé. Désormais, c’est le Top 10 ?

Non, on y va petit à petit ! Je vais déjà viser le Top 15. L’an passé je fais Top 20, mais j’arrive pour la 13e place. Si j’arrive pour le Top 10, ce serait génial. Après, on n’est jamais à l’abri d’une chute, d’un problème mécanique. Je veux déjà faire une course sans encombre et courir dans le même état d’esprit que lors de Gand-Wevelgem.  

C'est-à-dire ?

Je veux rester placée et aller au combat. J’avais eu un peu du mal à le faire l’an passé. Surtout frotter. J’avais même un peu peur. C’est un point que je suis en train de corriger. Je travaille depuis 2 ans avec ma préparatrice mentale sur le placement, la peur que je peux avoir dans un peloton. C’est quelque chose qui met du temps à se mettre en place, ça n’arrive pas du jour au lendemain. Mon premier Roubaix m’a appris l’importance du placement. Pour en avoir discuté avec mon entraîneur (Samuel Monnerais), j’étais censée arriver dans le groupe qui jouait la deuxième place si je n’avais pas été aussi mal placée avant Camphin-en-Pévèle. C’est une erreur que j’ai faite et que je ne referai plus. J’ai été derrière pas mal de chutes, j’ai dû boucher des trous, ça m’a coûté beaucoup d’énergie.

Par rapport à l’an dernier, vous avez beaucoup moins couru sur route. Gand-Wevelgem a constitué votre reprise, le 26 mars.

C’est tout simplement lié à la qualification pour les JO 2024. C’était convenu entre Cofidis et la fédération française que mes trois premiers mois de l’année soient consacrés à la piste. J’ai fait beaucoup d’intensité sur la piste, je suis retournée en stage avec Cofidis en janvier, et on a fait les championnats d'Europe et les deux manches de la Coupe des Nations. J’ai fait un peu moins de route mais ça ne m’inquiète pas, la piste et la route sont très complémentaires. Sur un omnium, tu fais 4h30 de vélo dont 1h30 à bloc.  

Revenons à Roubaix. Pourquoi est-ce à vos yeux la plus belle course au monde ?

Il n’y a pas que le physique qui compte à Roubaix. Je trouve que c’est du 50-50 avec le mental. Si t’as pas le mental, laisse tomber, ne prends pas le départ ! C’est aussi le fait que ce soit la course de ma région. Le premier secteur de la course messieurs (Troisvilles) est à 10km de chez mes parents, à Fesmy-le-Sart. Cette course m’a toujours fait rêver. Et on peut rêver de tout à Roubaix. Tu as beau ne pas être la meilleure physiquement, si t’es au-dessus de tout le monde mentalement, il ne peut rien t’arriver.  

Quels souvenirs d’enfance gardez-vous de la course?

Je n’ai pas été la voir tant que ça. Mais je me souviens de la souffrance sur les visages, de la bagarre entre Cancellara et Boonen. Quand je voulais me faire plaisir sur le vélo, j’allais rouler sur les secteurs proches de mes parents ! L’année dernière, j’avais fait une carte avec le tracé du Paris-Roubaix Femmes. J'ai ajouté l’endroit où je suis née, l’endroit où mes parents habitent, l’endroit où ma sœur réside, l’endroit où je vis désormais (à Ardooie, en Belgique) et l’endroit où j’allais à l’école. C’était énorme à voir : mon cercle de vie est tout autour de Paris-Roubaix !

VICTOIRE BERTEAU EXPRESS 

berteau (victoire) - (fra) -  PARIS/ROUBAIX FEMININ
berteau (victoire) - (fra) - PARIS/ROUBAIX FEMININ © PRESSE SPORTS

Née le à Lambres-lez-Douai le 16 août 2000

Équipes successives :
Dolticni-Van Eyck Sport (2019), Dolticini-Van Eyck-Proximus (2020-2021), Cofidis (2022-2023)

Principaux résultats :
2022 : 17e de Paris-Roubaix, 68e du Tour de France et prix de la combativité sur la 5e étape, médaille de bronze aux Mondiaux sur piste en poursuite par équipes
2020 : 3e du championnat de France sur route espoirs, 7e de la poursuite par équipes aux JO de Tokyo (piste)
2018 : Gand-Wevelgem juniors, 3e étape du Circuit de Borsele Juniors, championne du monde de l’américaine (piste)
2016 : championne de France cadettes

Signe particulier :
Flandrienne dans l’âme, lauréate de Gand-Wevelgem chez les juniors, Victoire Berteau a débuté sa carrière dans une équipe belge avant de rejoindre Cofidis. C’est outre-quiévrain qu’elle vit depuis 3 ans, à Ardooie, tout près de Roulers, à une quarantaine de kilomètres de Roubaix.

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